Extraits des Comptes de la Failles Volume I : Partie III

Extraits des Comptes de la Failles Volume I : Partie III

À mon grand désarroi, la situation dégénérait rapidement.

Au bord de la guerre civile, notre magnifique cité était le théâtre d’émeutes fréquentes et de sanglants duels rituels. Le Conseil de l’Harmonie faisait de son mieux pour faire régner l’ordre mais, privé de l’autorité du Régent, ses tentatives étaient largement ignorées.

Les Maisons s’alliaient le matin pour se trahir le soir tandis qu’aucun consensus ne permettait l’élection d’un nouveau Régent.

Chaque candidat en passe de s’affirmer voyait immédiatement les autres prétendants se liguer contre lui.

Plus insidieusement encore, les pouvoirs des mages commençaient à décroître. La déchirure béante dans le Voile qu’avait créé le Grand Œuvre avait eu des conséquences inattendues. Comme doté d’une volonté propre, le Voile s’était épaissi en réponse à l’ouverture de la Faille, rendant plus difficile le passage de la poussière d’Aether vers Oriar. Totalement absorbés par leurs luttes intestines, les Antalians, dans leur grande majorité, ne s’en rendirent pas compte.

Il en fut un cependant qui, mesurant la gravité du problème, se décida enfin à agir. Thaddeus était le dirigeant de la Maison Vypermage, une faction mineure à la réputation sinistre, même selon nos propres standards. Annonçant publiquement son intention de devenir Régent, il fit rassembler tous les membres de sa maisonnée sur la grand place d’Antalion. Craignant une nouvelle tentative de coup d’état, de nombreux mages convergèrent vers le lieu.

Je vis Thaddeus sortir lentement des rangs. Il se retourna, levant les mains. Des vrilles noires jaillirent soudain de ses doigts tendus. Tous purent ressentir l’immense puissance de l’incantation teintée d’une haine insondable, l’émotion directrice qui avait permis un tel déferlement d’énergie. Ces vrilles percutèrent un à un les membres de la Maison Vypermage, les foudroyant instantanément. En l’espace d’un battement de cœur, des centaines d’individus venaient de périr. Pas un seul n’avait frémi. La Maison Vypermage venait de s’éteindre dans le silence.

Sous le regard d’Antalians médusés, Thaddeus se proclama Régent. N’étant plus à la tête d’aucune Maison, il ne pouvait être accusé d’être partisan. N’étant plus père, il ne pouvait être accusé de vouloir favoriser ses descendants. Dorénavant, il pourrait se consacrer entièrement au bien de la Cité et la mener vers une ère nouvelle. Il invita quiconque refusant sa nomination à s’avancer.

Vous vous en doutez bien, personne ne fit un geste.  

Quelques heures plus tard, le Conseil prit acte à l’unanimité de sa nomination au poste de Régent, fait unique dans l’histoire d’Antalion, aussi loin que je m’en souvienne.

Le premier acte de Thaddeus fut d’annuler l’Edit d’Isolement. Il rassembla dans les chambres désertées de son palais les meilleurs devins et astrologues et leur donna des instructions précises. Ceux-ci tournèrent leur attention vers les terres inhospitalières du sud d’Oriar, ne tardant pas à découvrir l’existence de la Faille et de la cité qui s’étendait en dessous.

Lorsqu’ils l’en informèrent, le Régent sourit. Conscient que seule la menace d’un ennemi commun pouvait unir les Maisons rivales, Thaddeus informa les Antalians du danger qui grandissait au sud et déclara la guerre aux Communs.

La Maison RougeSang fut la première à se mobiliser, ce qui ne m’étonna guère au vu de leur promptitude à semer le chaos. Etouffés par le carcan d’Antalion, ses membres, rendus impatients et irritables, avaient soif de combat. Thaddeus convoqua Agares, le Patriarche, et lui confia le commandement des forces qui partiraient vers le sud pour écraser la civilisation des Communs.

Le Régent lui conseilla de ne pas sous-estimer ses adversaires. Il semblait en savoir beaucoup sur les forces des Communs et leur science mystérieuse. Lors d’une entrevue sous haute protection, il établit un édit unissant les Maisons RougeSang, Cœur-Sauvage et Roy sous la bannière de la cité. Cette armée, forte de centaines de mages expérimentés, quitta la ville sous les ordres d’Agares. Notre cœur se gonfla de fierté quand nous vîmes défiler les oriflammes. Quelle vision grandiose !

Toutefois plusieurs membres du Conseil mirent Thaddeus en garde contre la nomination du Patriarche à la tête des forces de la cité, craignant que son inéluctable victoire ne lui donne un élan politique trop important. Le Régent n’écouta pas ces arguments, se contentant d’un sourire énigmatique.

Agares était, comme tous les membres de sa Maison, un guerrier fier et impulsif mais il n’était pas stupide. Il avait bien conscience que les pouvoirs des mages avaient décliné, lui-même sentait que sa connexion avec l’Aether devenait plus ténue. Bien qu’il n’ait aucune réelle idée des capacités que les Communs pouvaient avoir développées durant les décennies d’isolement d’Antalion, il garda les forces de sa propre Maison en réserve. Désireux de tester les défenses de ses adversaires avant de porter un coup décisif, il joua sur la fierté de Trône, Patriarche de la Maison Cœur-Sauvage, pour lui confier le douteux honneur du premier assaut.

Arrivées au pied de la cité des Communs, les forces d’Antalion découvrirent d’épaisses murailles de fer et de cuivre, bardées d’armes étranges et parcourues par des patrouilles en arme.

Les troupes de la Maison Cœur-Sauvage se lancèrent à l’assaut. Ses membres, de puissants métamorphes, usèrent de leur pouvoir pour surprendre les défenseurs. Ils escomptaient combler rapidement la grande zone déboisée entourant leur cible. Quand les premières salves de projectiles jaillirent des fortifications, ils comprirent leur erreur.

La moitié des métamorphes fut fauchée par les tirs des Communs tandis que l’autre battait en retraite. Sonnée, l’armée d’Antalion se regroupa. Agares, en tacticien consommé, modifia instantanément ses plans. Ses meilleurs adeptes invoquèrent une muraille de flammes aveuglantes rendant toute sortie impossible. Lui-même donna libre court à sa colère. Son esprit parcourut la plaine, attiré par l’immense source d’énergie située au centre de la ville assiégée.

Il puisa dans le cristal d’Aether les ressources nécessaires au lancement d’un sortilège d’une ampleur défiant l’entendement. Le ciel se remplit de nuages qui déversèrent une pluie de braises et de cendres en contrebas. Des centaines de Communs, hommes, femmes et enfants, périrent dans les incendies qui ravagèrent la ville.

Les élémentalistes de la Maison Roy utilisèrent leur pouvoir pour façonner le champ de bataille, érigeant des murailles de terre et de racines derrière lesquelles vinrent s’abriter, ivres de vengeance, les rescapés des Cœur-Sauvages.

Agares avait prévu que les incendies déclenchés par ses troupes détruiraient les récoltes et amèneraient la famine.

Il avait prévu que nul ne pourrait quitter la cité condamnée.

Agares avait tout prévu…et pourtant !

À sa décharge, nul n’aurait pu prévoir la contre-attaque qui survint alors et balaya l’armée d’Antalion.

Il m’est encore aujourd’hui pénible d’évoquer ce douloureux souvenir.

L.E

Extrait des Contes de la Faille, Volume I ; 1158

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